[EXTRAIT – BORDEAUX EST AVENIR]
Certains adolescents et jeunes adultes nous inquiètent dans à peu près tous les quartiers, quel que soit le revenu fiscal moyen des habitants, il y a des noyaux durs qui échappent à tous les dispositifs, qui aimantent d’autres jeunes aux parcours variés, ce qui donne à voir des bandes composées d’une jeunesse plurielle : jeunes délinquants mais aussi jeunes insérés, étudiants, travailleurs, pères de famille…
Je suis trésorière de la Mission locale de Bordeaux qui accompagne des jeunes en difficulté, volontaires pour s’insérer professionnellement. Cette structure vit d’injonctions de l’Etat qui invente régulièrement de nouveaux dispositifs : emplois d’avenir, garantie jeunes… Ces derniers sont sévèrement cadrés et évalués et les financements de l’Etat sont conditionnés aux résultats quantitatifs de sortie effective vers l’emploi. Chaque Mission locale fixe ses objectifs, organise les entretiens et doit, grâce à un travail acharné, accompagner les jeunes qu’elle a retenus vers l’issue positive, seul moyen donc pour cette structure de bien obtenir la subvention sans laquelle les salaires des professionnels ne seraient pas versés. Ces dispositifs sont intéressants et peuvent réellement aider leurs bénéficiaires, mais à quel prix ? Aujourd’hui, les budgets sont tellement tendus que le recours aux emplois précaires pour accompagner les jeunes est privilégié aux emplois à durée indéterminés, trop risqués au regard de l’instabilité des enveloppes financières attribuées par l’Etat. Le choix des jeunes accompagnés ne souffre d’aucune approximation, sous peine d’une diminution de budgets si les résultats de retour à l’emploi ne sont pas suffisants.
Ce qui prévaut et qui conditionne le succès, c’est la volonté du jeune, dit-on. Alors, comment ça se passe quand la volonté du jeune ne rencontre pas exactement au moment opportun le dispositif x ou y ? Et surtout, comment fait-on pour le jeune qui ne fait jamais formellement part de sa volonté ? Les clubs de prévention sont sensés aller à la rencontre de ceux-là pour les aider, notamment à retrouver le chemin de cette volonté. Mais la charge est lourde comme la pression du résultat qui pèse aussi sur eux, d’autant que l’exaspération citoyenne autour des bandes de jeunes désœuvrés est à son comble. En outre, les clubs de prévention spécialisés voient leur budget fondre comme neige au soleil. C’est d’autant plus inquiétant que le nombre de mineurs étrangers augmente et que le temps à passer auprès d’eux, comme de tous les autres, était déjà trop faible au regard du personnel disponible.
Il faut avoir en tête que tout ce que la prévention ne fait pas se traduit par des gestions ultérieures de crise. Les jeunes issus de l’aide sociale à l’enfance, sortant de dispositifs à la majorité parce que les textes l’ont posé comme une règle, il en faut, s’ils se retrouvent sans accompagnement, même de rue, ne pourront pas s’insérer mais n’en restent pas moins des habitants. Leur désœuvrement a un coût. Ces logiques de guichets et/ou de services cloisonnés a montré ses limites, surtout en période de disettes budgétaires quand les coups de rabot, par pure logique comptable, font prendre des décisions dans le noir. Le nombre de jeunes sortant de l’école en échec scolaire ne faiblit pas : cela témoigne des limites du système dans un autre registre.
De nouvelles dynamiques apparaissent. Il se développe de plus en plus d’actions qui abordent le jeune par rapport à ses capacités et à sa créativité : l’espace 127 degrés de Cap Sciences, la Fabrik à Déclik de Osons Ici et Maintenant, Rêve et réalise d’Unicités… Ce sont des logiques différentes. Il s’agit là d’accompagner le jeune dans ce qu’il est et non pas de lui imposer un cadre dans lequel il doit faire la preuve de sa motivation pour pouvoir y rester. Je crois profondément à l’esprit de ces nouvelles dynamiques.
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2 réflexions sur “Jeunesse : qu’est ce qu’on veut ?”