Répression, prévention : ne nous trompons pas

[EXTRAIT – BORDEAUX EST AVENIR]

Des secteurs en tension, il y en a toujours beaucoup dans une ville centre, Bordeaux ne fait pas exception. C’est pourquoi les préfets ont reçu l’ordre de recevoir les citoyens exaspérés, riverains de ces secteurs, pour mieux les entendre et affiner les réponses à mettre en œuvre.

A Bordeaux, Bacalan est un quartier populaire, il fut longtemps une terre de relégation. Ne pas le reconnaître froisse ceux qui en ont objectivement souffert et tue la confiance indispensable pour aller de l’avant. Puis le tramway est arrivé et dans son sillage un nouveau quartier mitoyen, des nouveaux équipements, et dans un proche périmètre, deux lieux touristiques et culturels à visée internationale : la Cité du Vin et la Base sous-marine. Ceux qui continuent à dire que Bacalan est restée une zone de relégation caricaturent la réalité et étouffent, à leur tour, la confiance de ceux qui ont porté ces transformations.

L’absence de dialogue entre les tenants de deux postures excessives empêche toute avancée concrète sur les réelles difficultés qui subsistent. Les incivilités quasi délictueuses, sur-développées sur certains secteurs, en sont une incarnation préoccupante. L’écoute du citoyen, notamment du contestataire, est une priorité. Il sera bénéfique, à force de le faire, que les préfets reçoivent aussi, comme les élus, ces habitants.

Je suis souvent invitée à participer à ces réunions. Lors de l’une d’elles à la préfecture, des habitants de Bacalan sont venus dire leur peur des insultes, des menaces, leur horreur de sentir chaque matin l’urine sur leur porte et leur voiture, leur incompréhension totale que les rodéos et tapages nocturnes ou autres grillades sur la voie publique ne soient pas condamnés. Chacun dans la salle s’est exprimé et l’inévitable s’est produit : la question des gens du voyage, habitants dudit territoire, a cannibalisé le débat. Les excédés, en se qualifiant « de personne normales », ont souligné la supposée anomalie de cette communauté. Très vite on a entendu parler de maladie, très vite de l’éducation impossible, très vite de cette descendance prolifique… Les spécialistes de la prévention ont caché leur exaspération, choisissant un faux calme pour asséner une morale indiscutable : « Non, la police n’est pas une solution, on y arrive sans provoquer la peur ». Très vite les acteurs associatifs et les riverains se sont opposés alors même qu’ils aiment profondément ce territoire qu’ils connaissent tous sur le bout des doigts. Chacun aura eu les nerfs à vif en entendant l’autre. La police est confrontée à une difficulté quasi insoluble : les contraventions, mêmes répétitives, ne suffisent pas à faire cesser ces comportements, d’autant que les auteurs sont le plus souvent insolvables.

Les réunions, organisées par la préfecture pour faire dialoguer les acteurs et les habitants sont surtout symptomatiques de notre difficulté à se dire ensemble la vérité. Celle-ci sur Bacalan n’échappe pas à ce constat. Nous avons besoin d’une police de proximité notamment dans les secteurs « pourris » par l’incivilité. Et il faut que le plus de communes possibles accueillent des gens du voyages pour éviter qu’ils ne se concentrent dans certains secteurs et que des phénomènes communautaristes ne s’installent. Il est indispensable de maintenir dans les territoires fragiles un haut niveau de services publics de prévention, de sécurité et d’offre associative, d’accélérer, dans la politique d’attribution et de production, une véritable mixité. Cette double ambition doit être soutenue financièrement car elle est la seule qui puisse nous permettre d’éviter le pire. Tous les exercices de démocratie participative ne pourront, sinon, rien y changer.

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