[EXTRAIT – BORDEAUX EST AVENIR]
L’écolier : du dressage à la philo !
Bordeaux Métropole a crée les Juniors du développement durable. Avant ma vie d’élue, j’en étais une des chevilles ouvrières. En 1998, avant même que ne s’abattent en rafales sur nous tous les agendas 21, les plans climats, les sommets internationaux, les rendus du GIEC et autres campagnes de Greenwashing, nous avions scellé un accord avec l’Inspection académique pour que les écoliers puissent bénéficier de séances autour des enjeux écologiques, dispensés par des professionnels de l’éducation populaire. En presque 20 ans, ce dispositif unique en France a accompagné des dizaines de milliers d’écoliers. Ce qui leur était proposé a doublement évolué dans le temps : le contenu des messages et la méthode pour y parvenir ont radicalement changé.
En 1999, première année d’animation du dispositif. Lors de la journée de valorisation des travaux de l’année avec les enfants, réunissant tous les partenaires pour faire masse, sens et sensation, un père accompagnateur s’approche de moi : « C’est bien votre truc ! Mais alors attention, notre fils nous flique maintenant. Plus de bain ! Le robinet obligatoirement éteint quand on se brosse les dents, demande de justification à chaque fois qu’on prend la voiture plutôt que notre courage pour marcher… Bref, ça a bien marché mais on ne sait pas, avec ma femme, si on doit vous remercier ! ». Et en effet, il n’avait pas tort. Nous étions alors certains de nos analyses et nous étions tombés dans le piège du dressage comportemental en obligeant les petits à faire de même auprès de leurs parents. Ces petits prescripteurs angoissés se cognaient au mur de la réalité des adultes car tous les grands ne partageaient ni la conscience de l’urgence écologique, ni le désir de l’avoir.
En 2013, dernière année pour moi d’animation. Ce fut un crève cœur de quitter ce dispositif. Toujours durant nos journées de valorisation au Rocher de Palmer de Cenon, avec 5 000 écoliers et plus seulement 300. Les enfants découvrent, en plus des projets de tous les autres écoliers, un spectacle, des contes engagés… Il y a également un atelier philo sur la base d’une exposition photos. Chacune présente une famille typique d’un pays, avec, exposé devant elle tout ce qu’elle mange en une semaine. Les petits sont accompagnés pour la découvrir par des philosophes. Entre la petite famille américaine au sourire blasé, en surpoids, presque cachée par un amoncellement d’emballages, de boissons sucrées et autres gâteaux dans leur grande cuisine, et la grande famille tchadienne, longiligne, tout sourire pour une séance de photos avec de beaux habits choisis pour la circonstance qu’on pressent rare, dans la nature avec leurs trois sacs de graines posés devant eux, de nombreuses réalités peuvent se percevoir, se comprendre, se discuter à tout âge et se garder en soi. L’enfant pourra, quand il en aura l’envie le traduire, l’exprimer. Ce jour-là, il le peut facilement : l’ouverture au monde était totale. Dans cette exposition, l’écosystème social, économique, culturel, écologique se racontait en images en montrant notre monde d’humains, semblables et singuliers.
Ainsi, de 1998 à 2013, de l’injonction nous étions passés à la conversation, au dialogue. En revanche, il est une chose que nous n’avons jamais réussi à enclencher : faire en sorte que les petits, dans tout ce qui fait leur vie sociale à côté de l’école, reçoivent des informations complémentaires, identiques sur le fond à celles évoquées dans ce programme et que, dans la continuité de leur scolarité, ce qui avait été soulevé une année soit épaissi et prolongé dans les classes supérieures. Pour ça, il aurait fallu que nous tous, les adultes, soyons convaincus du caractère prioritaire de l’urgence écologique, de la nature de son traitement global et radical, de la nécessité de faire ce que l’on dit et de dire ce que l’on fait. Bref à décider, en effet et enfin, que l’éducation au développement durable est une priorité absolue.
En 2016, en tant que membre du Conseil d’administration de l’association des Centres d’animation des quartiers de Bordeaux gérant onze centres d’animation de la ville et recevant donc des milliers de jeunes, je transmets cette information simple tandis qu’ils nous présentaient leur désir de s’engager résolument dans le développement durable : « Il existe un dispositif unique en France… Les Juniors du développement durable… qui s’adresse aux écoles et aux centres… et qui travaille sur ces questions… depuis 18 ans ».
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2 réflexions sur “Comment accompagnons-nous les générations futures vers leur avenir ?”