[EXTRAIT – BORDEAUX EST AVENIR]
La grève des éboueurs pendant l’Euro 2016
Des centaines de millions de personnes allaient vivre à l’heure de l’Euro 2016. Bordeaux, dans son nouveau stade, allait accueillir des dizaines de milliers de touristes et de locaux. Sa fan zone aura été, à la fin de la compétition, la deuxième la plus fréquentée de l’hexagone. Le dispositif de sécurité aura été exceptionnel : le public a pu participer à la liesse sous toutes ses formes avec un niveau de danger réduit au maximum.
C’est dans ce contexte très singulier que les syndicats de la métropole décidèrent de commencer une grève du ramassage des déchets. Au moment où les caméras du monde entier parlaient de Bordeaux avec une rare intensité, elles allaient donc saisir le contenu de nos poubelles regorgeant de tout ce que nous sommes. L’objet précis de la grève sera faiblement commenté : les revendications salariales qui la justifiaient, selon les grévistes, intéressèrent très faiblement le grand public. Il est désormais courant d’entendre et de lire que ces grèves de fonctionnaires sont des prises d’otages. Dans une société saignée par le chômage, les fonctionnaires grévistes dans n’importe quel domaine sont perçus, par ceux qui ne jouissent pas de ce statut, comme des individus immoraux. A l’exaspération s’est ajoutée la honte de donner à voir la ville salie et bientôt la gêne à tout simplement vivre avec l’odeur, les images et la peur de l’arrivée inéluctable des nuisibles.
Après quelques rebondissements, la grève s’est arrêtée, les poubelles ont été ramassées et finalement qu’en retenons-nous ? Certainement pas le contenu même de nos poubelles qui n’a fait l’objet d’aucun commentaire. C’est pourtant pour moi le fait le plus marquant : le tri n’est toujours pas un réflexe, le compost n’est pas une vertu collective, le gaspillage alimentaire est toujours à son comble et nos poubelles sont une traduction flagrante de notre évolution. Nous sommes de plus en plus nombreux, de plus en plus frénétiquement consommateurs d’objets condamnés, au premier incident, à être remplacés par plus neuf. Nos poubelles ont offert le spectacle d’une société d’abondance, inconsciente des coûts de la destruction de ses déchets comme de leur production.
Quelques mois plus tard, je fus, comme beaucoup d’autres élus, acteurs et citoyens, invitée à la première conférence des déchets de la métropole. La conclusion, qui parut dans la presse le lendemain, était très simple : chacun devait urgemment faire l’effort de gérer ses poubelles, de les rentrer comme de les trier. La métropole engagée par ailleurs en principe dans un programme ambitieux de zéro déchet, zéro gaspillage, doit, comme toutes les autres intercommunalités, mettre en place d’ici 2025 le ramassage du compost. Ce dernier correspond au potentiel de 30 % de chacune de nos poubelles. Je suis saisie par cette incroyable tension entre l’absence de débat de fond sur la réduction de nos déchets à la source et l’inéluctable série de décisions qui devront à court terme être prises pour nous sauver car le déchet est la matérialisation ultime du défi de la survie de l’espèce humaine : nos modes de consommation, de production, actuels n’étant pas viables dans un monde aux ressources finies.
… La suite mercredi prochain
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2 réflexions sur “Pourquoi la sobriété doit-elle être une ambition collective ?”