[EXTRAIT – BORDEAUX EST AVENIR]
Les collectivités fonctionnent dans une obsession de la planification comme toutes les institutions. C’est une garantie d’égalité et de transparence mais, évidemment, c’est de moins en moins compatible avec le besoin de changement, de réactivité et la nécessité d’expérimenter, d’innover, que réclament acteurs et citoyens. Pour autant, le terme « innovation » a fait une entrée fracassante dans nos modes opératoires, au point qu’il est utilisé pour tout, sans d’ailleurs que ne soit réellement partagé ce que cela implique réellement. Faut-il être nouveau pour être pertinent ? L’innovation n’est-elle pas un alibi pour ne rien changer de fondamental ? L’innovation peut-elle se cantonner à la part marginale qu’on lui laisse au travers des appels à projets qui prolifèrent ? Toutes ces questions nous traversent tous : chacun se plaint de cette obsession de l’innovation qui s’additionne à celle du planisme.
A Bordeaux, dans le cadre du Pacte de cohésion sociale et territoriale, nous avons lancé avec la Caisse d’Allocation Familiale de la Gironde un appel à projets à innovation sociale et territoriale. L’idée étant qu’à l’échelle de micro territoires, les acteurs nous proposent des solutions tricotées à plusieurs partenaires, répondant aux constats tirés de notre analyse socio-économique partagée publiquement et aux priorités définies avec les citoyens. Bon an mal an, nous avons réussi collectivement, à l’échelle de nos territoires, en travaillant avec bienveillance et dans des logiques de « sur mesure », à produire si ce n’est de l’innovation, en tout cas des actions toujours plus adéquates aux besoins. Et je crois que ce travail nous permet aujourd’hui d’aborder, sans dogmes, une nécessaire nouvelle ère d’acculturation à d’autres disciplines, métiers pour ouvrir nos esprits et bousculer réellement nos façons de répondre aux problématiques. Cette année donc, en nous associant à ATIS, acteur majeur de l’entrepreneuriat social, et à Cap Sciences, acteur incontournable de la culture scientifique, nous allons pouvoir sensibiliser et acculturer les acteurs et les services à de nouvelles pratiques. L’Incubateur est de cette dynamique qui nous oblige à prendre le risque de l’ouverture, de l’hybridation public – privé.
Innover revient à oser, à transgresser : les CIS, ou Contrats à impact social, sont un bel exemple de transgression positive possible. Il s’agit de faire financer certaines actions mises en œuvre par des associations ou des opérateurs privés pour le compte d’une institution, par une banque. Ces actions, si elles aboutissent à des résultats concrets quantifiables, par exemple x retours à l’emploi ou x personnes ayant appris le français, déclencheront un remboursement avec intérêts par la collectivité ayant déployé des CIS. Le coût du remboursement doit être plus faible que celui qu’aurait dû payer la collectivité du fait d’un service non rendu, objet précis de ces contrats si elle avait dû financer directement elle-même ce service. Derrière la critique immédiate autour de la financiarisation de l’action sociale, il y a matière à réfléchir, en tout cas c’est une opportunité pour bousculer nos habitudes et pour penser l’action publique, et pas seulement les équipements, comme un investissement.
La modernisation de l’action publique est une nécessité absolue : il faut adapter nos réponses aux nouveaux besoins et projets des citoyens. Elle implique aussi de s’ouvrir à la nouvelle économie.
… La suite mercredi prochain
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Une réflexion sur “L’innovation et l’expérimentation dans les collectivités”