[EXTRAIT – BORDEAUX EST AVENIR]
En théorie, c’est très clair : l’élu décide et le fonctionnaire applique. L’élu ayant décidé sur la base d’hypothèses et d’éléments préparés par le fonctionnaire. Quid de la réalité ?
Les fonctionnaires n’apparaissent jamais durant une campagne électorale. Ils sont en réserve. Un grand nombre des nouveaux élus les découvrent après l’élection. Pourtant, tout, absolument tout, passe par ces agents dans l’exercice de nos mandats. A Bordeaux, des milliers de fonctionnaires, tenus ici comme ailleurs à la neutralité et à la continuité du service public, gèrent la commune avec 50 élus de la majorité. Ils savent d’ailleurs le faire sans élu. Les élus, eux, ne le pourraient pas sans eux. Ils sont la mémoire, le bras armé, la connaissance, les emplois fixes, les représentants en contrat à durée indéterminée de la collectivité. La défense de l’intérêt général et du service public, c’est leur job, et normalement même une composante viscérale de leur motivation professionnelle. Les 50 élus bordelais composant la majorité ont des parcours souvent très différents. Ils ne sont tenus à aucune règle présentielle, d’horaires, ni même de rendus. Ils ne reçoivent aucune formation obligatoire, ils ne connaissent, la plupart du temps, rien à l’univers administratif : contraintes, opportunités, absurdités, règles… Ils n’ont donc acquis, le plus souvent, leur légitimité qu’au travers du chef qui a porté sur leur front l’onction suprême. Tout est à faire au moment où l’on est élu et où l’on découvre sa délégation. En réalité, tout commence. L’apprenti de la politique va devoir s’appuyer sur l’Administration pour comprendre et pour agir.
Un conseiller municipal dispose d’un bureau partagé, sans assistante et dépend de son adjoint de référence, qu’il a éventuellement appris à connaître durant la campagne d’applaudissements et de tractages, autant dire donc, dans un exercice radicalement différent. Pour autant, l’adjoint n’est pas un supérieur hiérarchique, le conseiller municipal n’est pas un salarié. L’Administration se réfère avant tout aux adjoints sauf quand un conseiller a une mission politique qui correspond exactement à l’intitulé d’une direction et donc à un budget clairement identifié. Il est extrêmement difficile pour un élu de porter une délégation qui n’aurait aucun support administratif en tant que tel : il faut alors trouver, dans l’organisation générale, des bonnes volontés… C’est un parcours du combattant qui épuise autant qu’il révèle celui qui l’emprunte. Enfin, tous les élus, dans l’exercice immédiat de leur fonction, doivent digérer des tonnes de documents et décrypter les processus de fabrication d’une décision publique dont l’initiative politique n’est, en fait, qu’une infime partie, quoi qu’on en dise. L’apprenti élu est un spécialiste du tâtonnement et craint les chausse-trappes.
Le couple élu-fonctionnaire s’organise en réalité comme n’importe quel couple : dans le cadre d’un rapport qui tourne mal s’il n’y a pas au démarrage un projet solide, du respect réciproque et du désir de cheminer ensemble pour progresser. Le rapport qu’entretient le chef de l’exécutif avec son administration est probablement l’une des informations les plus capitales pour comprendre comment marche une institution. A Bordeaux, notre chef de l’exécutif politique est aussi un ancien haut fonctionnaire. Ceci explique cela.
Aussi dans cette histoire, le seul fait que nous ayons porté politiquement ce projet d’Incubateur n’est pas une garantie exclusive de son lancement effectif.
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Une réflexion sur “Comment fonctionne l’énigmatique couple élu-fonctionnaire ?”