[EXTRAIT – BORDEAUX EST AVENIR]
D’abord et avant tout, on devient élu par volonté individuelle ; l’empathie pour l’autre conditionnant cette volonté. Il faut aimer l’autre, cet autre que soi, lui porter un intérêt qui dépasse le sien. Les motivations de cet intérêt sont multiples et parfois l’élu l’est devenu car il cherche lui-même à être aimé en s’occupant des autres. Mais cela n’enlève rien au fait que l’engagement pour le collectif est l’alpha et l’oméga de ceux qui font de la politique. Y a-t-il beaucoup d’autres domaines qui exigent cette appétence ? Non, clairement pas à ce niveau. Un élu s’engage pour s’occuper de tout ce qui va concerner l’ensemble des habitants d’un territoire. Mais la volonté ne suffit pas à être élu.
Chaque élu aura été choisi au moins deux fois et pour des raisons précises. Une première fois par un leader, celui ou celle qui l’embarque. La sélection se fait sur la base de l’appartenance à un parti ou de sa représentativité d’une partie de la population. Les faiseurs de listes, notamment municipales, passent au tamis quantités de profils. Il y a des choix mécaniques : aucune élection ne peut se dérouler sans la dynamique des partis, sans militants collant les affiches, distribuant des tracts, faisant masse. Ces familles de militants fabriquent des candidats. Ils composent donc l’essentiel des listes : choisis pour leur popularité, leur ténacité, voire, ne le cachons surtout pas, la menace qu’ils pourraient représenter s’ils n’étaient pas choisis.
Pour gagner une élection, la tête d’affiche peut s’associer à un ou plusieurs autres partis. Cela revient à accepter le lot de candidats qu’ils désignent comme ils l’entendent. La négociation porte sur le nombre de colistiers, rarement sur leur identité. Et puis il y a les autres, les non encartés, les représentants de la société civile. Il faut que chaque profession, chaque tranche d’âge, chaque morceau de ville soient incarnés. Une liste doit être le puzzle de l’humanité locale. Une liste est composée d’identités plus que de personnalités stricto sensu. Il ne faut pas de trou dans la raquette car le meneur de liste, pour monter au filet et marquer des points, a besoin d’un cordage très équilibré. Dans une élection municipale, les votants recherchent de plus en plus souvent la capacité de rassemblement du futur maire, ils souhaitent pouvoir s’identifier à l’un des figurants de l’équipe.
L’essentiel des colistiers ne connaît pas à l’avance, et pendant toute la durée de la campagne, la délégation qui lui sera, ou non, dévolue, ni même s’il sera adjoint ou conseiller municipal. D’ailleurs, l’électeur ne l’exige pas. Qui s’occupera de quoi ? Qui sont la vingtaine d’élus qui piloteront la ville ? Les scénarii sont présentés par la presse, généralement le lendemain de l’élection, le jour du premier conseil : pronostics du matin pour l’après-midi. Puis vient l’heure du second choix : l’élection proprement dite. Avec finalement assez peu d’éléments sur la future gouvernance, c’est au votant que revient le choix final, le choix d’un bloc. Plus précisément, le choix d’une tête de liste qui porte le bloc. Son nom, son image, sa profession de foi sont les informations principales qui tournent en boucle. Il est le talon d’or. En ne votant pas, l’électeur choisit également, quoiqu’il en pense et quoi qu’il en dise. Son choix s’opère par défaut.
Je suis souvent très surprise que ce processus soit méconnu : qui veut candidater le peut objectivement. Dans une élection locale, votre candidature sera forcément étudiée. Et si vous vous êtes impliqué dans la vie de la cité, votre profil suscitera franchement de l’intérêt. Reste qu’une fois sue cette réalité, il faut accepter le statut de l’élu, ou plus exactement le non statut de l’élu.
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2 réflexions sur “Les élus ne naissent pas dans des feuilles de choux !”