[EXTRAIT – BORDEAUX EST AVENIR]
La loi NOTRe bouleversa aussi l’organisation des régions. L’amateurisme du gouvernement et la folie médiatique rendirent illisible celle-ci. Chaque matin, les Français découvraient que le découpage des nouvelles régions se marchandait sans que le bien fondé de cette réorganisation ne soit développé ni présenté en termes d’amélioration des services rendus aux citoyens. Nous allions devenir l’une des plus grandes régions françaises avec près de six millions d’habitants, aussi grande que l’Autriche. Nous serions aussi l’un des territoires les plus vulnérables sur le plan écologique du fait de notre proximité au littoral, de nos trésors forestiers, agricoles, de notre population vieillissante d’un côté et boostée de l’autre sous l’effet de migrations de plus en plus denses. Les nouvelles régions allaient devenir les poids lourds du développement économique et de la formation : c’est à leurs exécutifs qu’on remettait le trousseau des clés de l’emploi. A charge pour les élus des territoires infra régionaux de travailler à l’accueil, dans les conditions les plus optimales possibles, des habitants, de gérer les problématiques de la vie quotidienne pour rendre l’emploi attractif et durable. Les patrons de région seraient des personnages très influents, disait-on alors.
Un samedi matin, j’ai appris, comme tous les autres, le choix d’Alain Juppé de placer Virginie Calmels, notre collègue adjointe à la mairie de Bordeaux, comme meneuse de la liste d’union de la droite, hors Front National. Je ne fus pas dans les discussions au moment du choix, ni pour répondre à la question de ma volonté de prolonger l’aventure régionale. Ce ne fut a priori le cas d’aucuns des élus régionaux sortants d’ailleurs. Nos plus grands responsables politiques régionaux, par contre, avaient agréé cette proposition d’Alain Juppé. François Bayrou, Jean-Pierre Raffarin avaient dit oui. Je fis passer le message que j’aimerais poursuivre ce mandat dans lequel je m’étais investie sur les questions de transition écologique. Virginie me dit qu’elle étudierait cette candidature. Et puis, elle m’admit sur sa liste. A qui devais-je ma place éligible (quel que soit le résultat : victoire ou défaite) sur cette liste ? J’ai pensé que je la devais à mon engagement en général et à mon travail durant les six années écoulées sur ces thématiques dont la droite ne revendique pas toujours la maîtrise. Sur la liste de Xavier Darcos, j’étais une des incarnations des choix d’Alain Juppé en faveur de la société civile. Sur la liste de Virginie Calmels, j’ai supposé qu’il confirmait la pertinence de son choix antérieur. Après une campagne clivante et électrique, Alain Rousset gagna les élections, largement. Je n’eus aucun échange avec Alain Juppé sur cette séquence et je poursuivis donc mon mandat régional sur les questions de transition énergétique et écologique en gardant une ligne transparente et sobre, mais tranché. Aucun débriefing ne fut organisé à la différence des élections départementales qui avaient révélé également des scores préoccupants sur Bordeaux.
Cette nouvelle grande région fut le théâtre immédiat d’affrontements politiques bruyants : la dette picto-charentaise de dizaine de millions qui aurait pu placer cette région de Ségolène Royale en situation de faillite sans cette fusion, la présence du Front National comme premier groupe d’opposition avec 29 conseillers alors qu’il n’en comptait aucun au mandat précédent, la séparation immédiate de notre liste d’union en trois sous-groupes, Les Républicains, UDI et Modem, ont généré des prises de paroles sévères mais finalement de plus en plus espacées. Décidément, le peuple ne comprenait pas les collectivités régionales qui ne savent pas quant à elles, s’en faire aimer, ni même désirer. Nous étions 183 conseillers régionaux à essayer d’appréhender correctement cette nouvelle organisation sensée donner aux régions une place déterminante dans le débat politique en permettant l’émergence de solutions efficaces pour sortir du marasme économique, du silence écologique et du malaise démocratique. Rien de tout cela ne se profila dans les mois qui suivirent les élections. Si on avait interrogé les Français sur leur compréhension du fait régional, les réponses auraient été, j’en suis certaine, ravageantes. L’échelon régional, comme l’échelon métropolitain et l’échelon européen, étaient incompris des citoyens. Le local, le micro-local, l’hyper proximité, la vie à hauteur de citoyen, la confiance au long cours par la présence quotidienne, devenaient définitivement une voie à tracer. La mise en œuvre du Pacte de cohésion sociale et territoriale à Bordeaux comme outil d’une action politique de terrain, épaissie grâce à l’implication continue des citoyens, restait le plus sûr moyen de retrouver la confiance et de participer aux mutations en cours. Je poursuivis mon implication régionale avec sérieux, désolée du manque d’intérêt des électeurs et très inquiète.
Quant à la Métropole, les transferts de personnels s’opéraient dans une ambiance tendue. Sur le fond, concernant l’amélioration du service aux habitants, tout le monde se rendait compte que ce serait long.
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2 réflexions sur “Régionales, bis repetita”