Le garde du corps me donne l’enveloppe

[EXTRAIT – BORDEAUX EST AVENIR]

Premier meeting des municipales. Salle Saint-Rémi. Le jingle est choisi, les drapeaux achetés, l’enthousiasme disquetté et injecté dans nos cortex. J’ai traîné mes trois préadolescents à cet événement. L’aînée m’observe interloquée, elle aura ses mots durs à la sortie : « Vous êtes hors du monde ! On dirait des fans… C’est ridicule ». Je me glisse sur le côté de la scène, j’attends, comme les autres, l’entrée d’Alain Juppé, notre showman. Le garde du corps se faufile entre les corps électrisés d’attendre la lumière. Il me donne une enveloppe, soulagé de m’avoir trouvée. Je l’ouvre négligemment, inconsciente du contenu. C’est le programme, Alain Juppé me demande mon avis. Nous sommes quatre à devoir lui donner nos commentaires dans un délai de quarante-huit heures. Je ne l’apprendrai que le lendemain matin par l’un des trois autres. Je lis, j’annote, je me permets de commenter et lui envoie dans le délai imparti. Sa réponse le lendemain matin est simple : « Merci pour tes remarques mais c’est trop tard pour certaines ». En fait, c’était trop tard pour mes propositions les plus structurées… Aucun dialogue ultérieur n’aura épaissi cet échange rapide. J’ai supposé a posteriori qu’il validait juste le fait que rien ne me choquait… Je n’ai jamais vraiment su, en fait.

 

Il décide

Un matin. Durant la campagne. J’avais organisé autour de lui, comme chacun de ses colistiers, une réunion. Des acteurs sociaux et des entrepreneurs l’écoutaient : l’un d’eux demande si je serai en charge de ces domaines, Alain Juppé répond : « J’ai plusieurs noms en tête, on verra bien ». Alain Juppé aime la compétition, il a été élevé comme cela par ses pairs politiques. Il aime rappeler aussi que c’est lui qui décide avec son plus fidèle conseiller : lui-même. Cet épisode est resté en moi comme une libération. Il choisira après l’élection ce qui lui semble le plus cohérent en fonction de ses propres critères. Il ne s’embarrasse pas d’affects ni de relations interpersonnelles. Il a ses règles : chacun les siennes. A ne pas vouloir le comprendre, on se brûle. Il faut plus encore que d’habitude, dans ces moments inédits de campagne, rester bien concentrés sur les raisons de son engagement politique. Le reste est vanité.

 

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