[EXTRAIT – BORDEAUX EST AVENIR]
On nous réunit : Alain Juppé annonce que Nicolas, sera candidat. Je ne sais pas combien de cœurs se sont arrêtés à cet instant-là. Il avait tranché, il nous le signifiait, nous pouvions passer à autre chose. Nicolas est un élu de proximité depuis vingt ans, fin connaisseur de la vie politique locale et animateur émérite du réseau de militants. La députation est faite pour lui. Ce qui fut frappant c’est la méthode pour annoncer cette candidature. Je sais que ceux qui s’étaient sentis honnêtement légitimes à y prétendre ont vécu le non-dialogue avec douleur. Nous n’étions pas encore au bout de ces annonces flash… Nicolas, en tout cas, allait devenir bordelais et je m’en réjouissais.
Nicolas perdit cette élection difficile. La première circonscription historiquement de droite fut perdue aussi. C’est avec le souvenir douloureux de cette année d’échecs électoraux que nous abordions l’horizon 2014. 18 mois avant les élections municipales, chacun commençait à penser à cette nouvelle échéance, en tout cas le sérail politico-médiatique était en émoi.
Véronique Fayet a décidé de ne pas se représenter. Elle me l’a annoncé à table, quelques petites heures avant de le déclarer officiellement. Elle n’a pas particulièrement développé ce choix courageux. Elle m’a transmis son flambeau très simplement et sereinement. Je lui ai dit l’affection et le respect que j’avais pour elle : en tant que femme, elle a ouvert une voie dans un univers politique très masculin, en tant qu’élue elle a marqué de son sceau une certaine conception de l’action sociale. Je garderai tout en mémoire longtemps. Je savais que sa délégation ne m’était pas dévolue naturellement, qu’Alain Juppé déciderait de la suite et de mon avenir. Je savais que si c’était effectivement sa décision, l’héritage de cette femme éclairerait mon propre chemin. La formation à ATD Quart Monde, que je lui devais, m’avait marquée au fer rouge. Plus tard, dans mes lectures, j’avais trouvé ce texte de Victor Hugo que je relis souvent depuis.
« Je ne suis pas de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde, la souffrance est une loi divine, mais je suis de ceux qui pensent et affirment qu’on peut détruire la misère. Remarquez-le bien messieurs, je ne dis pas diminuer, amoindrir, limiter, circonscrire, je dis détruire. La misère est une maladie du corps social comme la lèpre est une maladie du corps humain, la misère peut disparaître comme la lèpre a disparu. Les législateurs et les gouvernements doivent y songer sans cesse, car, en pareille matière, tant que le possible n’est pas fait, le devoir n’est pas rempli », Victor-Hugo.
Véronique Fayet a très vite, après mars 2014, été nommée présidente de Caritas France et nous avons gardé des relations solides d’amitié. Elle a quitté le monde politique stricto sensu mais elle a poursuivi son engagement avec intensité.
Cette élection municipale de 2014 était stratégique : Alain Juppé voulait obtenir un gros score, la métropole était gagnable et il avait déjà en tête la présidence de la République. Vincent Feltesse, alors président de Bordeaux Métropole et député de la deuxième circonscription, avait annoncé la couleur : il voulait mettre un terme à soixante ans de gestion de la droite. Alain Juppé ne m’a pas proposé formellement de l’accompagner pour un deuxième mandat, il fallait le comprendre sans mots. Pendant cette pré-campagne, il s’est dit beaucoup de choses à lui-même, qu’il s’est étonné ensuite que ses proches n’aient pas compris tant elles lui avaient semblé évidentes alors. Quand un problème de communication de ce genre survient, quand un taiseux se croit compris et que les autres prennent son silence pour argent comptant, tôt ou tard les vérités se percutent et les regards peuvent se perdre.
… La suite mercredi prochain
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