Le Gouvernement réforme la politique du logement en commençant par le logement social.
En plein cœur de l’été, tandis qu’on apprenait la décision unilatérale de stopper le recours aux emplois aidés, la nouvelle de la baisse des APL faisait la Une de la presse. En réalité, ces deux décisions concourrent au même résultat : un vrai risque de déstabilisation des quartiers sensibles.
Il ne fait aucun doute que les emplois aidés ne sont pas la panacée et que la production de logement, dont le logement social, peine à satisfaire les besoins depuis 40 ans. Il n’y a pour moi aucun doute sur la nécessité de baisser les dépenses publiques pour réduire la dette qui nous met en danger structurellement.
Mais cette double certitude ne justifie pas tout ! De même que la déconnexion de certains décideurs d’avec le terrain n’explique pas tout.
Il y a dans ces deux décisions gouvernementales, une ligne politique que je ne partage pas.
Un emploi aidé n’est pas seulement l’emploi d’une personne mais le plus souvent un emploi d’utilité sociale occupé par une personne qui œuvre par ce biais pour l’intérêt général : le service à la cantine, l’entretien des établissements scolaires, le ramassage des déchets, l’aide aux devoirs, l’apprentissage des langues, l’insertion de jeunes et de femmes… Ces individus sont connus et reconnus à l’échelle des quartiers et concourent à la cohésion de ceux-là. Supprimer ces emplois sans autre solution à court terme, sans se soucier de l’impact global, revient à renoncer à une lecture globale de la réalité de terrain, à renier le rôle déterminant du corps associatif dans le modèle social français.
On entend qu’il y aura des programmes de substitution mais quand ? Et se limiteront-ils à aider les détenteurs des emplois aidés à trouver un CDI grâce à une formation adéquate ? Ce serait évidemment déjà beaucoup mais cela réglera partiellement les difficultés engendrées par cette décision brusque : quid de la pérennité des associations dans lesquels ils travaillent ? Dans un contexte de baisse des crédits des institutions.
Parallèlement à ce dossier très sensible, la réforme du logement, confirmée notamment durant le Congrès HLM de Strasbourg , bouleverse aussi les équilibres au cœur de nos territoires.
La baisse des APL serait compensée notamment pas la baisse des loyers. Et comme cela ne peut réellement s’imposer qu’aux bailleurs publics, leurs fonds propres, amputés de moitié sur notre métropole, ne leur permettront pas d’entretenir et de produire autant qu’auparavant. Sauf la encore si d’autres mécanismes se substituent à ceux existants mais quand ? Et lesquels ? Actuellement, ce qui a été annoncé entraîne une conséquence simple : les bailleurs sur Bordeaux ne pourraient pas continuer à produire les 1 000 logements sociaux par an sur notre territoire. Or, ce haut niveau de production est le seul qui puisse nous permettre d’atteindre le taux de 25 % de logements sociaux d’ici 2030.
Cette baisse des moyens des bailleurs serait plus importante encore si Bordeaux sortait de la zone tendue, « catégorisation » grâce à laquelle les aides à la pierre de l’Etat sont plus élevées.
Pourquoi ces deux décisions concernent t-elles tout le monde ?
Sur les emplois aidés
Parce que la République doit aussi s’attacher à accompagner les populations des territoires sensibles et les acteurs qui assurent encore le lien, la cohésion. Ces relais sont précieux et souvent les derniers malheureusement à pouvoir et savoir le faire.
Sur le logement
Parce que plus de la moitié de la population est en mesure d’accéder au logement social et parce que les bailleurs publics sont aussi des locomotives pour la promotion privée qui sera donc impactée par cette réforme.
Soyez convaincus que même si vous ne vivez pas dans un logement social et même si vous ne connaissez personne perdant un emploi aidé, vous êtes concernés par ces deux réformes. C’est de notre modèle social dont il est question et de la méthode de concertation pour le réformer sans le perdre.