[EXTRAIT – BORDEAUX EST AVENIR]
L’Administration a l’habitude de produire des documents cadre dans lesquels sont déclinés des plans d’actions, eux-mêmes se traduisant en fiches descriptives pour chaque action. Dans un souci de transparence et d’efficacité, on peut comprendre que les documents cadre existent. Malheureusement, on les produit parfois sans stratégie lisible et sur la base d’un diagnostic intuitif incomplet. On les présente presque toujours à tort comme des documents de communication grand public. Ainsi, des contrats, des schémas, des plans, des Agenda 21, des pactes, fleurissent dans toutes les institutions avec des tonnes de textes administratifs à peine mis en page. Le planisme cannibalise la politique si on ne veut pas y prendre garde.
En 2008, Bordeaux avait un Projet social, un Projet urbain et un Agenda 21 : ce triptyque démontrait, à travers ces trois termes, notre volontarisme à nous occuper de tout mais également notre obsession à tout classer. Or, quelle est la finalité ultime du développement durable, si ce n’est inciter et permettre à l’humanité de vivre en harmonie avec le reste de l’écosystème du vivant ? Quelle est la finalité d’un projet urbain si ce n’est d’améliorer les conditions de vie de chacun, donc la qualité de vie individuelle et collective ? Ainsi, tout est dans tout avec un but unique : protéger la vie et garantir la cohésion sociale de chaque territoire. Le dynamisme, l’attractivité économique et culturelle en découlent puisque la liberté d’initiative peut se déployer alors dans toute son épaisseur.
Véronique Fayet avait développé son Projet social, qu’elle incarnait d’ailleurs totalement, ce qui lui conférait dans l’équipe municipale un statut singulier. Cinq thématiques constituaient la matrice de son projet, parmi lesquelles celle autour du logement, dont je prenais le pilotage. J’ai réuni toutes les personnes engagées sur cette question : la plupart étant de fins connaisseurs du sujet, quasi des experts nourris d’une militance très construite. Le logement et l’hébergement sont deux domaines d’une complexité technique inouïe. Toutes les institutions d’un territoire y participent via des financements différents, une partie d’entre elles en plus via l’accompagnement des publics. Promoteurs immobiliers, bailleurs sociaux, associations, se côtoient dans des partenariats très solides. Les premières réunions furent épiques. J’ai été croquée : tous ceux qui connaissaient très bien cet univers ont profité de ces réunions pour faire passer des messages, avec ou sans subtilité, avec ou sans bonne foi, avec ou sans intérêt particulier à défendre, ni d’objectif précis. L’avantage d’être novice dans tout domaine c’est que l’essentiel des flèches ne vous atteint pas : j’en percevais l’existence mais n’en subissais pas encore l’impact. J’ai pris mon bâton de pèlerin et je suis allée à la rencontre de chaque acteur au cœur de ses activités, dans ses locaux, pour avoir en tête, et à partir de là en mémoire, son univers, sa posture, son histoire. J’ai voulu apprendre d’eux ce qu’ils pensaient de nous, de notre partenariat, de la ville, des Bordelais. J’ai voulu qu’on ait le temps de se connaître avant d’entrer dans les dossiers techniques. La politique est avant tout une aventure humaine : quand elle se transforme en relation d’experts, elle nous perd.
… La suite mercredi prochain
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2 réflexions sur “Trouver sa dynamique”