[EXTRAIT – BORDEAUX EST AVENIR]
Le directeur de cabinet a tiré sa révérence assez rapidement : après le premier Conseil municipal, il me l’a dit presque tout de suite avant que ça ne soit public. « Je pars, je n’ai pas envie d’assister à la suite ici, que je connais déjà par cœur, je serai utile au patron ailleurs, bientôt, j’en suis certain ». Il fut remplacé par quelqu’un qu’il a choisi lui-même et proposé à Alain Juppé. Ludovic est ainsi entré en scène à son tour. Isabelle lui avait fait la liste des gens à voir : j’y figurais. J’ai déjeuné avec cet homme, devenu des années après, un proche. Ce radical jovial, intelligent, aurait dû être un grand élu. Il aura, à la place, servi deux personnalités : Alain Juppé et Jean- François Poncet, qui font partie de ces figures qui incarnent leur territoire, en plus d’avoir occupé le prestigieux poste de ministre des affaires étrangères, ancrés dans les terres de leur pays avec une compréhension totale du monde. Ludovic déboula dans nos vies et je ne sais pas à quel point, pour ce qui me concerne, il aura influencé le patron. Nous n’en aurons jamais parlé car très vite nous n’avions plus besoin d’échanger pour savoir que l’autre, comme soi, était déçu d’un tas de choses mais que l’imperfection est une figure imposée qui recèle bien des surprises, pas toujours mauvaises. Il aura été un excellent directeur de cabinet en tant qu’obligé du maire. Avec lui, j’ai beaucoup écrit et, très en amont de la campagne présidentielle, il n’a jamais fait aucun doute pour nous qu’Alain Juppé serait candidat à la fonction suprême et que son statut de sage compterait pour beaucoup dans l’affection que lui porteront les Français.
Le directeur de cabinet forme une paire avec le directeur général des services. Ces personnages sont incontournables dans toutes les collectivités. Le directeur de cabinet et le directeur général sont les plus proches collaborateurs d’un patron d’exécutif : l’un fait de la politique, l’autre gère l’Administration mais comme le travail de l’un impacte celui de l’autre, et inversement, ces deux fonctions se complètent autant qu’elles s’opposent. Les frictions structurelles se prolongent parfois dans des affrontements personnels plus irrationnels. La forme d’intelligence d’Alain Juppé, son raisonnement, sa culture, son caractère le conduisent souvent et avant tout à donner raison à son administration et notamment au premier représentant de celle-ci. Le directeur général, en place lors de l’élection de 2008, était un homme extraordinairement discret, pudique, précis. Sa connaissance parfaite de chaque dossier et son respect sincère de la fonction élective ont permis à ceux qui voulaient bien se confronter à sa personnalité puissante d’avancer. Ce fut mon cas.
Travailler avec ces deux grandes pointures m’a appris à ne plus me perdre dans mes émotions et à construire, petit à petit, une vision globale de l’action municipale. Je n’ai, à partir de là, plus attendu du patron que l’essentiel. Cela m’a permis assez rapidement de m’extraire de mon premier statut de conseillère dans lequel je me sentais de plus en plus à l’étroit. Véronique Fayet, notre adjointe aux affaires sociales, élue depuis l’ère Jacques Chaban-Delmas, après Simone Noailles, m’a offert l’opportunité de m’engager autrement. Elle m’a proposé de travailler à son Projet social. Très vite, j’y ai trouvé ma place, et dans le temps, cette place a arrangé tout le monde.
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