Samedi 8 avril, j’étais de ceux qui ont pris la parole pour répondre à l’Appel des psychanalystes*. Je partage avec vous ce que j’ai exprimé comme point de vue à cette occasion.
Votre avis comme toujours me sera très précieux pour continuer à cheminer.
« Avant tout, je voudrais vous remercier de m’avoir invitée à participer à cet événement exceptionnel, de l’avoir organisé en si peu de temps sous forme d’un Appel face à l’extrême et au risque de dislocation majeur de notre cohésion sociale, territoriale et nationale qu’il porte en lui. Je souhaite partager avec vous des éléments de pensée tirés de mes valeurs et de mes expériences, en toute humilité. Ce que je veux dire n’est pas une vérité absolue, posée comme une fin en soi mais une invitation à débattre, à dialoguer.
Je ne suis pas coutumière des positions anti-quelque chose, encore moins contre une masse désincarnée assimilée à un corps unique sans distinction. Les citoyens qui envisagent de voter l’extrême n’ont pas tous les mêmes mobiles, ni la même conscience des conséquences de ce vote pour la société et pour eux-mêmes. Faire de l’anti revient à tendre davantage les rapports humains.
Mais je suis inquiète moi aussi de la banalisation de la présence jugée crédible de la candidate FN au second tour de l’élection présidentielle et ce dans une atonie générale (malgré notre effroi en 2002). Je m’inquiète, c’est pour cela que je me range résolument à vos côtés aujourd’hui.
Je m’exprime en mon nom : je ne suis encartée dans aucun parti politique, je ne suis ralliée à aucun candidat . Je m’exprime en tant qu’adjointe a la ville de Bordeaux, adjointe d’Alain Juppé, en charge de la cohésion sociale et territoriale . Et d’ailleurs, ma délégation fait souvent l’objet d’intervention de l’opposition FN au Conseil Municipal.
Bordeaux est une ville profondément humaniste. L’héritage du souffle des Girondins, des 3 M, de la Nouvelle société de M Chaban Delmas, de l’action d’Alain Juppé pour une identité heureuse, en fait une cité singulière, singulièrement apaisée et dialoguante . L’existence par exemple du conseil » Bordeaux partage » qui consolide le dialogue entre représentants religieux, comme l’exceptionnel vivacité du tissu associatif bordelais sont deux exemples distinctifs qui expliquent que notre ville soit à ce point attractive et davantage capable que beaucoup d’autres d’affronter l’extrême et tous les autres défis contemporains. C’est dans cet esprit que je développe une dynamique de Pacte de cohésion sociale et territoriale qui s’articule autour de la volonté de construire des politiques publiques avec les habitants pour permettre à tous de vivre pleinement sa citoyenneté tout en étant protégé dans ses vulnérabilités.
– Je voudrais revenir sur les mots de votre appel. Je fais partie de ceux qui pensent que les mots et la parole politique (par delà celle des élus stricto sensu) ont une valeur immense trop dévoyée à l’heure actuelle. Je suis très heureuse du choix de vos termes.
D’abord « Vivre (la République) », et non pas seulement la penser (penser ou panser) mais la vivre à hauteur d’Hommes. Pas la conceptualiser, la caricaturer, la fantasmer mais la vivre en prenant au mot l’invitation d’Emmanuel Levinas : « Dès que le visage de l’autre apparaît, il m’oblige ».
Ensuite « la République ». Ce patrimoine le plus précieux que nous ayons, qui permet de garantir l’égalité, la liberté et la fraternité.
Enfin, « face à l’extrême ». Extrême de l’idéologie lepéniste qui pousse à la haine de l’autre, qui développe une conception inégalitaire de la République, qui fait du nationalisme l’objet unique de la cohésion, qui surfe sur l’insatisfaction populaire pour créer des boucs émissaires. Mais l’extrême pour moi c’est aussi l’extrême fragilité dans laquelle vivent de trop nombreux concitoyens, hyper-visibles ou invisibles. L’augmentation des violences, du non-recours aux droits sont deux preuves qui attestent d’un malaise grave dans notre société. Enfin, l’extrême c’est aussi l’hyper atonie dans laquelle sont plongés de trop nombreux individus qui banalisent tous les événements .
En conclusion, selon moi, la meilleure façon de répondre à l’extrême pour le neutraliser est d’éviter de tomber dans le piège qui nous est tendu de la confrontation, de la violence. Il faut au contraire être paisibles, sereins, confiants, porter haut le goût de l’autre et lutter de toutes nos forces contre l’hyper simplification, accepter la complexité du monde, dialoguer en permanence, vivre l’autre comme une chance avant tout et démontrer collectivement que c’est une réalité en n’écartant personne . »
* A bordeaux, débat public Vivre la république – au campus de Talence avec :
Alexandra Siarri : Adjoint à la mairie de Bordeaux, auteur du livre Bordeaux est avenir
Clothilde Chapuis : Avocat au barreau de Bordeaux, présidente de la LICRA
Charlotte Blanc : Doctorante Sciences de l’Information et de la Communication, Université Bordeaux Montaigne
Naïma Charaï : Porte-parole de Benoît Hamon
Olivier Cassagnau : Maître de conférence en civilisation britannique. Université Bordeaux Montaigne
Smail Kaci : Avocat au barreau de Bordeaux
David Hurst : Producteur Dublin-Films
Philippe Méziat : Journaliste spécialisé Jazz, photo, culture
Julie Läderach : Violoncelliste
Bénédicte Simon et Julien Duval : comédiens
Tanguy Bernard et Xavier Camps : Porte parole En marche
Clément Rossignol-Puech : élu EELV, Chercheur en physique des nanosciences et épistémologie de la physique au CNRS
Rosa Ould Ameziane dit Florent : Chargée de communication et de diffusion Ligue des Droits de l’Homme
Maryse Montangon : responsable commission santé PCF
Antoine Tabarin : Professeur d’endocrinologie, président CNU endocrinologie, CHU de Bordeaux
Alain Merlet : Psychanalyste, membre de l’ECF
Animé par Jean-Pierre Deffieux, Catherine Lacaze-Paule, Marie Laurent, Philippe La Sagna, Daniel Roy