Place de l’Europe, à Bordeaux – Grand Parc. Nous sommes en avance, en attente devant la Maison du projet, lieu récemment ouvert dans lequel quiconque voulant être informé du projet d’aménagement du quartier, peut l’être.
Comme la semaine dernière à Bacalan, je retrouve cette fois-ci les membres du Conseil citoyen du Grand Parc. Je ne sais pas qui sera là, ni dans quel état d’esprit. Je sais juste que nous pique-niquerons avant de partir en déambulation et que nous avons du temps avant notre rendez-vous suivant : temps précieux que celui de se parler paisiblement sans objectif de résultat chronométré.
Jacqueline, la doyenne des conseillers citoyens est des nôtres, encadrée de 3 autres personnes, toutes du quartier depuis toujours. Chacune aurait mérité que je la décrive dans cet article tant elles sont singulières pour leur quartier et ses habitants. Mais je veux m’arrêter spécialement sur Jacqueline.
L’œil vif et malicieux, elle nous parle de son activité de tricot au centre social ; du bonheur profond qu’elle ressent à suivre cette activité avec d’autres femmes, qui ont trouvé par ce biais un nouvel intérêt à vivre. Je lui parle avec le même engouement des tricoteuses des Aubiers qui tricotent des combinaisons pour les bébés morts nés, nouvelle preuve que les Hommes sont capables d’une empathie salvatrice au chevet des situations de grande détresse. Je sais qu’elle se rapprochera d’elles.
Je lui dis aussi que l’association Sew & Laine a repris l’idée de cette activité de tricot et de ce qu’elle sous tend symboliquement en plus de ce qu’elle permet de réaliser mécaniquement et concrètement. Cette jeune association bordelaise, qui travaille sur les points communs entre le tricot classique et le tricot numérique, fait écho à l’enthousiasme de Jacqueline.
Elle s’amuse à la fois d’entendre parler de cette association et de son nom qu’elle rapproche de la série Dallas et de la fameuse Sue Ellen. S’ensuit un dialogue à 5 autour des films, qui nous conduit de Dallas au Cochon de Gaza. Chacun y va de ses références et de ses préférences autour de ce pique-nique bucolique.
On finit par parler des initiatives que lance leur Conseil citoyen et notamment de leur intention de concevoir et distribuer un document à l’attention des nouveaux arrivants du Grand Parc, lisible y compris par ceux qui ne maîtrisent pas notre langue. Ils s’inquiètent des moyens pour mobiliser des habitants, et pas forcément ceux qui sont déjà engagés dans le tissu associatif du quartier. Comment faire pour les intéresser, les mobiliser sur la durée autour de la vie du quartier, comme sur la construction des politiques publiques ?
A cette question, que chacun se pose ici et partout, nous n’avons pas d’autre réponse que celle de continuer à créer toutes les opportunités qui permettraient de libérer la parole.
Jacqueline est là, ne ratant rien de cet échange. Et nous suit ensuite pendant deux heures dans notre balade ; occasion, comme à Bacalan, de parler du quartier tel qu’ils le vivent, l’aiment, le rêvent, le projettent…
Je pars en les laissant convaincue que marcher, pique-niquer, partager, y compris des moments de vie sans lien absolu avec le rôle de l’élu vis à vis du citoyen est le meilleur moyen d’entendre ce qu’on écoute.
A hauteur d’Hommes.