Ecrire pour avancer

[EXTRAIT – BORDEAUX est AVENIR]

De son absence, j’ai retenu que bon nombre d’entre eux lui écrivaient, car aucun ne doutait qu’il reviendrait : c’est à cette époque que j’ai commencé à lui écrire des notes qui alimentaient celles que d’autres, in fine, lui envoyaient. Ecrire est, dans la galaxie Juppé, une pratique indispensable. Du moins le fut-elle pour moi. J’aime les mots, la chance qu’ils offrent de se faire entendre pleinement : ils reflètent ce que l’on veut faire et une partie de ce que l’on est. Une note, un écrit racontent beaucoup de soi. Le tamis de l’écrit permet d’être au clair avec soi-même et donc avec tous les autres. A défaut de pouvoir parler à Alain Juppé en face à face, c’est le moyen unique de lui transmettre l’information. Et puis, une note validée par ses soins est une arme pour faciliter la mise en œuvre de vos projets. Un laissez-passer permettant de franchir les frontières administratives. Evidemment, vu le nombre incalculable d’informations écrites que reçoit Alain Juppé, même si l’essentiel est digéré par tous ceux qui lui servent d’amortisseurs techniques, il est difficile d’attirer son attention et de poser sa marque. Longtemps j’ai écrit pour lui sans savoir s’il recevait bien les documents. Entre lui et nous, il y a des intermédiaires qui jugent, selon leur arbitraire, de l’opportunité ou pas de lui adresser les notes. Quand je travaillais au tramway, quatre ou cinq intermédiaires me séparaient de lui. Il n’y avait alors jamais de retour direct. Parfois, vous entendiez dans un discours ou dans la presse une idée, un avis qui vous rappelait un peu de ce que vous auriez aimé qu’il dise. Vous imaginiez alors que votre note avait été lue. Au fur et à mesure des années et des missions qui m’ont été confiées, le nombre d’intermédiaires a fondu. Il n’y en a plus aujourd’hui. Et l’écrit est resté un laisser passer, le moyen par excellence.

Le dire autrement

Lundi. 10h. Nous sommes ensemble dans sa voiture, en route pour un événement à la rencontre d’acteurs dans un quartier : je lui ai rédigé une note. Je lui demande enfin si toutes les notes, que je lui rédige depuis des années, lui conviennent. Il me répond doucement : « Nous ne raisonnons pas pareil, alors, tes notes, je les lis. J’y apprends des choses mais quand je dois en parler, je le dis vraiment autrement ». Oui, il y a la différence de nos parcours, la différence de génération probablement aussi, évidemment la différence de nature humaine, de rapport à l’autre. Et puis, il y a avant tout le fait de penser autrement et de l’assumer. Je commençais à le faire.

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