La soirée des mille

[EXTRAIT – BORDEAUX est AVENIR]

Juin 2016. Alain Juppé pour la France. Un seul mandat. Un seul président. Mille maires et adjoints sont venus entendre Alain Juppé, en marge du Salon des maires de France. Ils s’attendaient à un meeting avec la voix de l’orateur qui monte à fréquence régulière pour entraîner des vagues d’applaudissements et des bouffées de désir de campagne. Alain Juppé a préféré, à cet exercice spectaculaire, celui de la pédagogie avec des réponses précises à cinq questions préparées. La salle a frémi quand il a parlé de nos valeurs d’ouverture au monde, de tolérance, d’acceptation de la différence, du respect du multiculturalisme. La salle a applaudi quand il a dit que nos racines étaient judéo-chrétiennes. Elle s’est par contre silencieusement cabrée quand il a dit que nous n’étions pas uniquement de race blanche. Pour le reste, il a parlé de nécessaire démocratie collaborative, d’adoption de lois et textes respectant les singularités des territoires…

Je repars impressionnée, heureuse qu’il soit accompagné par une équipe de plus en plus solide et des édiles de tout le pays. Je ne m’empêche pas de penser aux sujets tus. Rien sur l’écologie, rien sur les questions sociales… à ce stade en tout cas. Hâte qu’il le fasse. Il le faudra. Tandis que mon esprit divague, j’entends derrière moi : « Trente sondages consécutifs le donnent gagnant, ce qui compte c’est la tendance, il va gagner, c’est irréversible. Qu’est-ce que tu vas mettre dans ton papier toi, en plus ? ». « Mille et la blague de l’ours », réplique l’autre. Et en effet, les journalistes retiendront ce nombre de mille présents et une phrase : « Il ne faut pas crier victoire trop vite chers amis et vendre la peau de l’ours, d’autant qu’il y en a plusieurs ».

Alain Juppé marche sur l’eau : rien ne s’écrit qui ne l’abîme vraiment, tout se regarde et s’observe sous l’angle de son statut de grand favori. Son directeur de campagne pour ce moment décisif se concentre sur les fautes qu’il faut éviter à son candidat. Tout le reste, ce qu’il dit, ce qu’il fait, c’est presque accessoire, c’est presque de l’intendance. Il y a Alain Juppé, sa longue histoire de vie personnelle et politique, et les Français qui la connaissent. Les journalistes ont cette relation en tête, ce fil qui s’est construit, cette alchimie… Le reste c’est le décorum : même ses mots à lui.

A Bordeaux, Alain Juppé venait encore souvent : trop au goût de l’équipe de Paris. J’ai toujours pensé qu’il estimait juste, moralement, d’exercer concrètement son mandat de maire pendant cette campagne. D’autres se seraient exonérés de cette exigence-là. Et puis, Bordeaux est la ville qu’il gère depuis plus de vingt ans, sa base arrière, son lieu de repli, de réassurance, son univers de possibles, son laboratoire. Partir et peut-être ne plus revenir y vivre, lâcher prise après avoir fait ce qui avait été dit et promis. Peut-être gravir les dernières marches pour la plus haute responsabilité politique et en même temps pour la dernière partie de sa vie : il vivait à ce moment-là un double exercice de sagesse absolue.

C’est ce que je pensais le lendemain de la soirée des mille, en me rappelant que je suivais fidèlement cet homme depuis dix-huit ans déjà.

La suite mercredi prochain

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